Cellules Communistes
Combattantes
La
flèche et la cible
29. Quelle
est votre conception de la Guerre Populaire (ou Révolutionnaire)
Prolongée?
En quoi cette
conception sapparente et se différencie-t-elle de
la Guerre Populaire Prolongée telle quelle a été
conçue et développée dans de nombreux pays
dominés suite à la victoire du Parti Communiste
Chinois en 1949?
Notre conception
stratégique de la guerre révolutionnaire diffère
avant tout de la stratégie classique, maoïste, de
la Guerre Populaire Prolongée par le fait quelle
considère et intègre une phase insurrectionnelle.
Dans une certaine
mesure, nous pouvons dire que notre conception de la Guerre Révolutionnaire
Prolongée combine des principes stratégiques maoïstes
et le schéma insurrectionnel de type bolchevik.
Cette combinaison
recouvre deux étapes quil simpose prioritairement
de distinguer.
La première,
défensive, vise essentiellement à laccumulation
des forces (dans tous les sens du terme: forces organisationnelles,
militaires, plus nombreuses et puissantes, mais surtout progrès
de la conscience de classe, etc.) au cours dune longue
lutte de guérilla et grâce à elle; la seconde,
offensive, vise à la prise du pouvoir dÉtat
à travers linsurrection de masse.
La période
daccumulation de forces peut elle-même être
divisée en trois phases principales dont nous allons donner
un aperçu général: la phase de la propagande
armée, la phase du harcèlement et la phase de lassiègement.
La première
phase, celle que les Cellules Communistes Combattantes ont essayé
dimpulser en 1984/85 dans notre pays, est donc la propagande
armée.
Il sagit là
dune phase essentiellement idéologico-politique
qui a pour but danimer et ancrer au sein des avant-gardes
communistes et ouvrières la conviction de la nécessité,
de la justesse et de la praticabilité de la lutte révolutionnaire.
Les actions armées
y poursuivent des objectifs prioritaire-ment idéologiques
et politiques, elles visent à éveiller, démontrer,
éduquer et convaincre.
La puissance de
feu ny entre pas réellement en ligne de compte,
ce qui est primordial est de mener des actions correctes, cest-à-dire
ralliant politiquement de nouveaux camarades à la lutte
révolutionnaire, renforçant sa crédibilité
auprès des masses, développant leur intérêt
à son égard, etc.
La propagande armée
peut donc être entreprise à une échelle modeste,
avec des moyens minimes et conduire à de bons résultats.
Car les bons résultats
ne dépendent pas tant de limportance des forces
engagées ou de la prouesse militaire réalisée
que de lintelligence politique à choisir des objectifs
appropriés, de la correspondance entre laction,
sa revendication et la sensibilité de classe à
un moment donné, et de la capacité du mouvement
militant à faire circuler cette revendication dans les
secteurs les plus intéressés, etc.
Surévaluer
laspect militaire de laction de guérilla aux
dépens de son aspect politique est une erreur trop souvent
commise dans le mouvement révolutionnaire européen.
Une action de propagande
armée doit bien évidement être préparée
avec soin et menée avec fermeté et efficacité,
mais son choix, sa conception et son exploitation politiques
méritent autant sinon plus dattention et dinvestissement.
Dailleurs,
cest en respectant strictement la priorité de laspect
politique des choses que lon peut éviter un blocage
ou une déviation militariste, fut-elle simplement une
imitation mécaniste des opérations effectuées
par des organisations prestigieuses dans des pays où lengage­ment
est plus avancé.
Nous pensons donc
que la propagande armée peut être pratiquée
dès que les moyens en sont réunis (et ces moyens
peuvent être modestes... et efficaces!
Un sabotage artisanal,
un incendie au cocktail Molotov par exemple).
Autrement dit, il
ny a pas de véritables conditions militaires requises
au préalable, mais simplement des exigences quant à
la maturité et la responsabilité des militants,
la correction de la cible choisie et la correspondance des moyens
engagés, le discours revendicatif et létat
desprit du mouvement de classe.
Nous sommes aussi
davis que la lutte armée peut être engagée
par des groupes très réduits de camarades, dans
la mesure où nous ne lui fixons pas de préalables
organisationnels (comme lexistence dune organisation
constituée, voire la fondation du Parti).
Et sans perdre de
vue la critique au radical-réformisme ou au corporatisme,
nous ne rejetons pas des initiatives cantonnées dans un
premier temps à certains secteurs de la classe quand elles
sont issues deux.
Le principal est
quau cours de cette phase se constitue une avant-garde
révolutionnaire expérimentée cherchant son
unification sur la base du Marxisme-Léninisme, capable
de construire lembryon du Parti de classe.
Pour conclure au
sujet de cette première phase de la Guerre Révolutionnaire
Prolongée, nous voulons souligner limportance quy
revêt le rapport dialectique entre les forces clandestines
de la propagande armée et laire publique dagitation
et de propagande.
Cette dernière
doit fonctionner à plein rendement pour la valorisation
des initiatives politico-militaires.
Non seulement les
militants qui oeuvrent dans son cadre doivent diffuser largement
le discours de la guérilla (communiqués, résolutions,
etc.) mais de surcroît ils doivent exploiter sur leur terrain
(public) et à leur manière (légale et para-légale)
limpact des actions armées pour développer
lagitation, élever la conscience de classe et affirmer
la crédibilité du projet révolutionnaire
dans les masses.
De leur côté,
en se méfiant de lopportunisme comme de la peste,
les forces clandestines de propagande armée doivent veiller
à rendre leurs interventions aisément exploitables
par laire publique dagitation et de propagande (les
actions doivent être limpides, parfaitement exécutées
et dirigées contre des objectifs précis à
des moments judicieusement choisis).
La phase suivante
est celle du harcèlement. Elle combine la poursuite de
lobjectif idéologico-politique de la phase de propagande
armée avec la prise en charge dobjectifs plus spécifiquement
stratégiques et politiques.
Ce tournant consacre
louverture de laffrontement direct à deux
niveaux: dune part laction révolutionnaire
vise à éroder lemprise du pouvoir bourgeois
sur la société, dune autre elle commence
à bousculer ce pouvoir lui-même.
Pratiquement, lérosion
de lemprise du pouvoir bourgeois se conçoit par
la capacité des forces révolutionnaires à
multiplier leurs attaques contre les innombrables tentacules
que ce pouvoir étend dans tout lespace social (ainsi
les sièges des partis bourgeois, les administrations,
les commissariats et gendarmeries, les associations patronales,
réactionnaires, des médias et des institutions
sociologiques, des intérêts économiques,
des capitalistes et leurs instruments ou leur personnel de coercition
dans les entreprises, etc., etc).
Certes il importe
toujours à ce stade que les actions soient conçues
en tenant compte de létat desprit des masses
et dans le souci dinfluer constructivement sur cet état
desprit.
Mais il sagit
à présent daller plus loin quun simple
objectif idéologico-politique, il sagit de mettre
les mille et une ramifications du pouvoir bourgeois sous une
pression militaire suffisante pour lobliger à les
fortifier ou à les abandonner.
Un harcèlement
fermement entretenu obligera lennemi à concentrer
ses organes de pouvoir indispensables afin de les défendre
au mieux contre les attaques de la guérilla.
La finalité
de Cet engagement stratégique est à la fois de
renforcer le mouvement révolutionnaire et de déforcer
le pouvoir bourgeois, en contraignant ce dernier à se
retrancher hors de lespace social.
Pour lennemi
le préjudice nest pas tant que lune ou lautre
de ses agences soit incendiée à deux ou trois reprises
mais bien quil doive abandonner ce poste avancé
dans lunivers social ou le transformer en forteresse et
que son caractère dintrus soit ainsi révélé.
Le rapport de force
prolétariat/bourgeoisie ne se modifie pas uniquement par
les progrès de la conscience de classe, ces progrès
doivent se combiner à dautres (organisationnels,
stratégiques, militaires, etc.) pour que le prolétariat
puisse à terme aborder victorieusement linsurrection.
La phase du harcèlement
y contribue parce que dune part elle élève
la conscience de classe (à travers la continuité
de la propagande armée et par lincidence idéologique
de lobligation faite au pouvoir de se rétracter
hors du champ social - avec ce que cela suppose comme perte de
légitimité et démonstration du caractère
autonome et parasitaire du bloc État/ bourgeoisie) et
dune autre elle conduit les forces révolutionnaires
vers un contexte bien plus favorable au déclenchement
de linsurrection, à savoir la phase de lassiègement.
La phase de lassiègement
- ultime phase de létape pré-insurrectionnelle
de la Guerre Révolutionnaire Prolongée - est laboutissement
de la phase du harcèlement.
Cest celle
où, dans tous les domaines, le pouvoir bourgeois a été
forcé par la guérilla à abandonner ses points
dappui secondaires et à concentrer et fortifier
les autres: celle qui voit la militarisation de lordre
social, où les forces armées bourgeoises se meuvent
hors de leurs casernes comme dans un pays ennemi (de la façon
militairement la plus sûre pour faire face à une
embuscade... cest-à-dire dune façon
désastreuse au niveau idéologique, politique et
stratégique: lexemple de lIrlande du Nord
où le moindre commissariat est transformé en bunker
hérissé dantennes et de caméras, percé
seulement de quelques meurtrières et entouré de
chicanes, où les patrouilles circulent en convois blindés
dans les villes, etc., illustre clairement laspect stratégique
de lassiègement); celle où le camp bourgeois
est rendu incapable de reprendre linitiative contre-révolutionnaire
par laction continue, vigoureuse et sélective du
Parti et de ses combattants; celle où le pays nest
plus un allié absolument crédible pour le grand
banditisme impérialiste, etc.
Au-delà de
son contenu, la principale responsabilité de la phase
de lassiègement tient dans sa perpétuation.
Et sans doute est-ce
là un problème des plus délicats: il sagit
de conserver linitiative dans lattente de lapparition
imprévisible de la situation de crise révolutionnaire
et du déclenchement de linsurrection.
Or cette phase est
évidemment réversible.
Il suffit de penser
au cas où les forces révolutionnaires (qui, à
ce stade, sont nécessairement organisées en Parti
de classe) subissent dimportantes pertes et sont incapables
dy remédier, jusquau point de ne plus pouvoir
maintenir une pression suffisante sur lennemi et donc lempêcher
de quitter sa position dassiégé, ou lorsquelles
doivent faire face à une intervention impérialiste
étrangère renforçant démesurément
les forces de la réaction.
On comprend alors
combien la phase de lassiègement doit être
soutenue quand on sait quelle constitue la meilleure position
du mouvement de classe pour sengager dans linsurrection:
les forces révolutionnaires constituées sont puissantes,
expérimentées et équipées, elles
se meuvent dans le prolétariat «comme un poisson
dans leau», tandis que lennemi est concentré
en quelques zones parfaitement inaccessibles aux opérations
de guérilla mais surtout indéfendables face à
un véritable engagement insurrectionnel.
Le matérialisme
historique enseigne quune insurrection victorieuse procède
de facteurs non seulement subjectifs mais aussi objectifs, cest-à-dire
indépendants de la volonté des groupes sociaux,
comme par exemple une aggravation sensible de la misère
des masses (et donc une augmentation de leur combativité)
ou encore une crise politique insurmontable dans le pouvoir bourgeois.
Léchéance
de linsurrection est donc dans une large mesure imprévisible
alors que la raison de la stratégie révolutionnaire
est de rendre le camp du prolétariat toujours plus apte
à exploiter une situation insurrectionnelle.
La phase de lassiègement
est précisément celle où le mouvement révolutionnaire
dispose de la meilleure position stratégique pour le passage
aux formes de lutte insurrectionnelle et cest pourquoi,
dans lattente de la situation propice, son développement
se traduit par son maintien, son approfondissement et son perfectionnement.
En arriver à
assiéger le pouvoir bourgeois (dans tous les domaines,
y compris ses forces de répression) et maintenir ce siège
est accessible par la maîtrise du processus qui voit les
armes de lennemi se retourner contre lui.
En fait, il serait
plus précis de dire quil faut maîtriser le
processus qui voit les avantages tactiques de lennemi se
convertir en désavantages stratégiques. Quelques
exemples aideront à mieux nous faire comprendre.
Le principe de laction
de guérilla consiste à mener une action prompte
et inattendue dans des conditions tactiques favorables, pour
se replier avant que lennemi ait pu déployer sa
supériorité en hommes et en armement.
Face à la
guérilla, lennemi dispose de deux grands axes de
riposte: le politique (essentiellement la guerre psychologique)
et le policier/militaire. Nous ne parlerons pas ici du premier,
nous le faisons plus loin à loccasion de la question
n° 32, mais tout le monde sait déjà quil
sagit de lorchestration systématique de campagnes
dintox, de falsification, de calomnies ordurières,
etc.
Le second axe, la riposte policière/militaire,
prend forme de trois manières. Primo linvestigation,
c'est-à-dire lidentification, lespionnage,
linfiltration, lisolement, etc. et la destruction
des forces et structures de la guérilla.
Ces pratiques policières
se contrent par des mesures de sécurité et dautodéfense,
par le cloisonnement strict de lillégalité,
par des initiatives paralysant, égarant ou liquidant les
sbires du régime, etc. (bien entendu, nous rappelons que
lélément déterminant de la capacité
de résistance des forces révolutionnaires reste
en premier lieu leur fermeté politico-idéologique).
Secundo la fortification, cest-à-dire
le renforcement de la sécurité des structures ou
personnes susceptibles de faire lobjet dune attaque
de la guérilla, dont une des conséquences est dobliger
les forces révolutionnaires à consacrer plus de
temps, de moyens et deffectifs pour la réalisation
de leurs opérations.
Tertio linterception, cest-à-dire
la capacité de réagir instantanément à
laction de guérilla pour empêcher le repli
de lunité combattante, lencercler, laccrocher,
lanéantir.
Fortification et interception sont
des méthodes de riposte qui bénéficient
de nombreux progrès techniques (dans le domaine du matériel,
des équipements, etc.) et qui se combinent en tenailles:
dune part elles contraignent la guérilla à
consacrer plus de temps et à investir des moyens plus
lourds pour une action donnée, dautre part elles
lui laissent moins de temps et de latitude pour mener lopération
et se replier avec une marge de sécurité raisonnable.
Lincidence tactique de ce
mouvement de tenailles est donc indiscutablement gênante
mais loutil témoigne que lennemi lui-même
se place sur la défensive, quil se trouve en position
dattaqué.
Malgré les difficultés
tactiques quentraînent la qualification des forces
dinterception (espionnage vidéo et dispositifs de
bouclage de villes entières, patrouilles spécialisées
rapides, etc.) et la course à la fortification, elles
vont dans le sens des objectifs stratégiques révolutionnaires:
elles installent lennemi dans une position dassiégé.
Par ailleurs, du point de vue stratégique
il est bien plus utile dattaquer les forces employées
par lennemi à lîlotage que celles destinées
à linterception, même si ce sont ces dernières
qui posent le plus de problèmes lors des actions.
De même quil est moins
intéressant de séchiner à mener des
actions de grande ampleur pour atteindre lennemi dans ses
bases les plus vitales - et donc les plus fortifiées -
que de porter des coups peut-être modestes mais incessants
contre les objectifs moins capitaux et plus accessibles.
En résumé, il faut
doser les investissements de telle façon que la mesure
retenue serve lobjectif stratégique tout en garantissant
aux forces de la guérilla une marge de manuvre tactique
minimale.
En ce qui concerne les différences
entre la stratégie de la Guerre Révolutionnaire
Prolongée telle que nous la concevons pour les pays impérialistes
et la stratégie de la Guerre Populaire Pro­longée
élaborée par le Parti Communiste Chinois lors de
la guerre contre lenvahisseur japonais et contre le Kuomintang,
il faut reconnaître quelles sont nombreuses.
Dabord, dans les centres impérialistes
la lutte armée adopte la forme de la guérilla urbaine.
Les conditions objectives (sociales,
démographiques, géographiques) interdisent toute
guérilla rurale à grande échelle, et plus
encore létablissement de zones libérées
où sexercerait le nouveau pouvoir révolutionnaire.
Létablissement et ladministration
de zones libérées est un des piliers de la stratégie
de la Guerre Populaire Prolongée comme lont conçue
les camarades chinois, et nous devons lui substituer ici la construction
et le développement de réseaux clandestins dans
les concentrations urbaines et industrielles.
La capacité ennemie damener
des forces armées dune supériorité
écrasante et en un délai très bref dans
nimporte quel coin du pays nous interdit de contrôler
militairement un espace donné (un quartier, par exemple)
plus longtemps quil nest nécessaire pour mener
une action de guérilla ou une agitation politique protégée.
Cette différence en engendre
dautres.
Ainsi, dans la Guerre Populaire
Prolongée telle quelle fut et reste menée
dans les pays dominés, la transition entre guerre de guérilla
et guerre de mouvement se réalise progressivement dans
le mouvement dencerclement des villes par les campagnes,
par laccroissement des zones libérées et
la réduction des zones toujours sous le contrôle
de lennemi.
Pareil mécanisme stratégique
ne nous est pas accessible.
Ici, la charnière entre guerre
de guérilla et guerre de mouvement sétablit
au moment où la Guerre Révolutionnaire Prolongée
fait place à linsurrection de masse. A ce moment-là
seulement, et dans un bref laps de temps, la conversion sopère
et les forces révolutionnaires sont mises en demeure de
prendre le contrôle du plus grand (et propice) espace et
de lélargir encore.
Nonobstant les différences
dordre stratégique, il faut aussi prendre en considération
les différences dordre politico-social induites
par la différence de structure sociale entre les pays
dominés et les pays impérialistes très développés
comme ceux dEurope occidentale.
La plus importante de ces différences
tient dans le caractère de classe de la guerre révolutionnaire.
Dans lexpérience chinoise
comme dans celle de la plupart des pays dominés du tiers-monde,
la Guerre Populaire Prolongée reposait sur une alliance
de classe entre la classe ouvrière (numériquement
faible mais politiquement centrale), la petite-bourgeoisie économique
et intellectuelle (très influente), certains secteurs
de la bourgeoisie nationale et surtout, la paysannerie (la classe
la plus étendue qui porte sur ses épaules lessentiel
de la guerre de guérilla).
Rien de tout cela chez nous.
Dans les pays impérialistes
comme ceux de lEurope de lOuest, limportance
du prolétariat est telle quaucune alliance de classe,
stricto sensu, nest envisageable.
Non que des éléments
issus de la petite-bourgeoisie ou de la paysannerie ne puissent
rallier le processus révolutionnaire, mais ce ralliement
devra consister en une adhésion entière à
la perspective prolétarienne.
La liquidation économique
de la petite-bourgeoisie atteint ici un degré extrême;
il nest pas un secteur jadis trusté par cette classe
(commerces, services en tout genre, etc.) doù le
grand capital ne procède pas à son éviction.
Partout lemploi salarié
se substitue à lemploi indépendant. Un clivage
très net sopère parmi la petite-bourgeoisie
intellectuelle, qui en rapproche objectivement du prolétariat
la majeure partie et en soude le reliquat à la bourgeoisie
(cadres, spécialistes, etc).
Précisons encore quau
niveau idéologique la petite-bourgeoisie na plus
la moindre identité progressiste propre et quelle
se retrouve contrainte soit dadopter les idéaux
prolétariens, soit de se prostituer à la réaction
bourgeoise.
En raison du haut degré de
développement économique atteint dans les centres
impérialistes européens (et compte tenu de la structure
sociale qui en découle), le processus révolutionnaire
dans ces pays est de nature ouvertement prolétarienne
et communiste.
Point ny est besoin détape
intermédiaire à lédification socialiste,
ni politique (la démocratie bourgeoise a déjà
livré tout son contenu historique progressiste et lindépendance
nationale -dans le cadre de lordre impérialiste
mondial - est acquise), ni économique (il ny a pas
de bourgeoisie nationale à ménager: lexpropriation
prolétarienne peut et doit être drastique).
Cet aspect des choses justifie aussi
le fait que nous parlions de stratégie de Guerre Révolutionnaire
Prolongée en place de Guerre Populaire Prolongée.
Nous pourrions éventuellement
parler de stratégie de Guerre Prolétarienne Prolongée,
en raison de son caractère de classe exclusif, mais nous
lévitons par souci de clarté: le prolétariat
ne sengage massivement en tant que tel quau moment
de linsurrection, cest-à-dire précisément
quand sachève létape de la Guerre Révolutionnaire
Prolongée.
Tout cela dit, il est indiscutable
que nous, révolutionnaires des métropoles, avons
tout intérêt à explorer minutieusement limmense
bagage dexpérience accumulé par le Mouvement
Communiste International au cours des guerres populaires menées
en Chine, au Vietnam ou ailleurs.
Un exemple entre mille: nous sommes
attachés à la thèse du «Parti combattant»
, cest-à-dire à loption dun parti
accomplissant lui-même le travail politico-militaire, et
la manière dintégrer ce travail dans le cadre
de lactivité classique du Parti pose de nombreux
problèmes.
Sil sagissait seulement
de quelques opérations clandestines (lélimination
dindicateurs et dinfiltrés, laccumulation
darmes, la formation de cadres en vue de linsurrection,
etc.), la solution dun appareil clandestin rattaché
à la direction du Parti et à linternationale
- solution adoptée par les partis kominterniens - ferait
parfaitement laffaire.
Mais pour nous il sagit maintenant
de mener une guerre révolutionnaire dont la conduite est
bien plus politique que militaire et cela appelle des solutions
inédites.
Cest à ce propos que
le bagage dexpérience évoqué plus
haut peut nous être utile.
Dans la mesure où un appareil
entièrement militaire, faisant pièce aux structures
politiques habituelles du Parti, pleinement autonome mais dépendant
de ses instances dirigeantes, ne nous paraît pas adapté
au caractère spécifiquement politico-militaire
de la Guerre Révolutionnaire Prolongée métropolitaine,
et dans la mesure où une dilution des forces militaires
et une ventilation des tâches de guérilla dans les
structures de base du Parti nous semble irréaliste, sinon
irresponsable, ce que nous pouvons apprendre de la manière
dont le général Giap a combiné des forces
militaires spécialisées, autonomes et puissantes
(celles du Nord) et des forces armées occasionnelles,
légères et issues dorganisations de base
(celles du F.N.L.), nous intéresse au plus haut point.
Car en effet, on peut imaginer que
la solution aux problèmes structurels posés par
la thèse du Parti combattant et la stratégie de
Guerre Révolutionnaire Prolongée réside
dans une combinaison de ce type, qui verrait les structures de
base du Parti (cellules, comités, etc.) contribuer ponctuellement,
prudemment et avec des moyens limités, à la propagande
armée et au harcèlement, tandis quun appareil
militaire spécifique, dépendant directement des
plus hautes instances du Parti, assurerait de manière
efficace les initiatives politico-militaires de grande envergure,
le tout parfois coordonné dans des campagnes uniques.
Le type dorganisation adopté
par le Front de lindépendance dans la Résistance
anti-nazie avec la structure des Partisans Armés dune
part et celle des Milices Patriotiques dautre part présente
également beaucoup dintérêt à
ce propos.
Quoi quil en soit, tout cela
nécessitera encore beaucoup de réflexions et dexpériences.
Ce que nous pouvons seulement apporter
à ce sujet maintenant sont des travaux exploratoires visant
à préparer au mieux les tournants que le camp de
la révolution doit aborder à lavenir.
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