Cellules Communistes Combattantes

La flèche et la cible

 

34. Que pensez-vous de l’analyse selon laquelle la lutte armée est prématurée dans la mesure où l’heure serait à un patient travail d’organisation et de politisation des éléments avancés de la classe ouvrière et non au ralliement des masses à la révolution?

Nous pensons que cette analyse, tout comme celle qui prétend que la lutte armée peut être seulement engagée après la fondation du Parti, témoigne sinon de dogmatisme tout au moins d’une incompréhension du rôle imparti à la lutte armée par le courant marxiste-léniniste dans le mouvement révolutionnaire européen (voir questions n° 28 et 29).

Elle est donc incorrecte dans le cas qui nous occupe. Répétons-le, nous ne concevons pas la lutte armée de la même façon que Lénine dans son article «La guerre de partisans» et nous mettons en garde contre une simplification abusive à ce propos.

Selon nous, il est possible et nécessaire d’entreprendre la lutte armée dès les tout premiers moments du processus révolutionnaire, à savoir précisément dans les moments où ne se pose pas encore la question de «rallier les masses à la révolution», mais simplement «d’organiser et politiser (sur une base révolutionnaire) les éléments avancés de la classe ouvrière».

Si nous demandions aux adeptes de l’analyse citée dans la question comment eux conçoivent le travail d’organisation et de politisation des avant-gardes, ils répondraient quelque chose du genre «par la propagande, l’agitation et le développement des structures militantes» (et ne manqueraient pas d’insister sur la patience que requiert tel travail).

Pensent-ils donc qu’à travers la lutte armée nous fassions autre chose? (et que nous souffrions d’une impatience irrépressible?).

Nous nous souvenons d’une contribution de camarades allemands dans laquelle ils demandaient aux tenants de la critique contemplative où il était écrit une fois pour toutes que la propagande révolutionnaire ne serait que du papier imprimé!

Et allant plus avant, le camarade Oriach rappelle que la rupture révolutionnaire de l’initiative d’agit-prop varie selon les situations: distribuer un tract socialiste dans la Russie des Romanov exposait à la déportation.

«A la limite -ajoute-t-il - accrocher un drapeau rouge à l’époque tsariste était une dissidence aussi radicale que poser une petite bombe aujourd’hui».

On aurait grand tort de négliger la portée stratégique de tel argument.

Nonobstant le contenu des textes mis en circulation lors d’une initiative de propagande révolutionnaire (contenu dont la justesse et la qualité est naturellement essentielle), la valeur et l’efficience de cette initiative varient selon qu’elle s’inscrit dans le train-train de la démocratie bourgeoise ou qu’elle rompt ouvertement avec le régime.

Ce dernier d’ailleurs ne s’y trompe pas: il reste indifférent, voire même bienveillant, envers les groupes -relevant de la liberté d’association - qui distribuent des tracts et journaux - relevant de la liberté d’expression - et il réprime graduellement l’activité politique publique en faveur de la lutte armée (rares sont les pays européens où la diffusion ou même seulement la détention de-- déclarations d’organisations combattantes ne fait pas encore l’objet de poursuites judiciaires).

Nous n’attachons bien évidemment pas, à la manière des subjectivistes, une valeur mystique à la démonstration de rupture ou de rébellion.

Nous pensons simplement que l’insertion du travail d’agit-prop dans le cadre d’une lutte ouverte et totalisante contre le régime est le gage même de son efficience.

L’effroyable sclérose frappant le large éventail des petits groupes qui rejettent la lutte armée aujourd’hui en même temps qu’ils prétendent la rallier demain (en cas de situation révolutionnaire) révèle combien l’extrême-gauche apparue en opposition au révisionnisme des “P.C.” issus de la IIIème Internationale en a malgré tout hérité d’un des principaux vices de base.

Car finalement, ces partis de la période 1920-60 n’ont-ils pas été les premiers, durant des décennies, à vouloir préparer dans la légalité (ou paralégalité) une insurrection.., toujours reportée.

Et ne sont-ils d’ailleurs pas en leur temps arrivés à un succès inégalable de mobilisation dans cette voie improductive, illusoire?

Depuis plus ou moins trente ans maintenant, une variété incroyable de petites forces végètent tant bien que mal, se partageant - avec une redoutable patience - entre un travail d’organisation et de politisation systématique­ment stérile, une critique contemplative des réelles initiatives révolutionnaires et les délices étranges de la scolastique et du dogmatisme.

A l’opposé de la permanence végétative de cette extrême-gauche sclérosée, il y a la vitalité du mouvement révolutionnaire qui trace la voie stratégique de la lutte politico-militaire dans les métropoles impérialistes.

Une dynamique irrésistible avec ses vastes et soudains bonds en avant et ses raclées mémorables, avec ses expériences et ses découvertes comme ses erreurs et ses échecs, avec sa vie politique intense au cours de laquelle certes beaucoup de sottises sont proférées mais surtout se dégagent les éléments théoriques et politiques indispensables au progrès de la lutte, capables petit à petit d’orienter et d’organiser les avant-gardes comme d’interpeller des secteurs toujours plus larges de la classe sur la question révolutionnaire.

Pour reprendre le mot de la question, tout cela peut-il être considéré comme «prématuré» face à la décrépitude opportuniste et/ou la paralysie dogmatique des forces gauchistes dont nous parlions plus haut?

Sans oublier de surcroît que bien peu d’entre elles rejettent la lutte armée à partir d’un réel et sincère souci de l’intérêt du processus révolutionnaire.

Il importe vraiment de discerner les rares groupes dont l’erreur d’analyse repose sur le dogmatisme <par exemple, sur une incapacité à comprendre que la situation idéologique et politique des démocraties impérialistes exige d’autres orientations stratégiques révolutionnaires et d’autres tactiques d’agit-prop que celles forgées dans la lutte contre une autocratie semi-féodale, il y aura bientôt un siècle), et la grande majorité d’autres qui se retranchent derrière les dogmes (et généralement l’intrigue et la calomnie) pour tenter de justifier leur réformisme viscéral, leur crétinisme parlementaire, leur hypocrite cirque gau&SHY;chiste en marge de la social-démocratie.

Rappelons encore que nous avons abordé le problème avec notre contribution «Lutte armée et politique révolutionnaire» dans le débat avec l’Organisation française Voie Prolétarienne que nous situons parmi ces rares groupes évoqués en premier lieu.