Cellules Communistes Combattantes

La flèche et la cible

 

38. Peut-on expliquer fondamentalement les revers subis par des luttes comme celles des Brigades Rouges, des GRAPO, (et à un autre niveau, de la RAF et d’A.D.), par un manque d’appui social?

Le mouvement révolutionnaire ne doit-il pas reconsidérer sa stratégie et sa tactique en fonction de cela?

En tout premier lieu, nous pensons qu’il serait erroné d’envisager en bloc les revers subis par les B.R., par la RAF, ou par d’autres forces révolutionnaires européennes. Chaque revers présente des spécificités et découle de facteurs propres.

C’est déjà un élément de réponse.

Ainsi par exemple, le revers qu’a essuyé la RAF à la fin des années 70 après l’action du Commando Siegfried Haussner (enlèvement du dirigeant patronal Schleyer avec l’objectif de gagner la libération de prisonniers) n’a pas grand-chose de commun, ni au point de vue de «l’appui social” ni à bien d’autres points de vue, avec le revers subi par les B.R. au début des années 80.

Tous les revers subis par les différentes composantes du mouvement révolutionnaire européen depuis sa relance au début des années 70 ne peuvent s’expliquer, même «fondamentalement», par un facteur unique, que ce soit le manque d’appui social ou quoi que ce soit d’autre.

D’ailleurs, comment cela se pourrait-il?

Les diverses composantes du mouvement révolutionnaire européen ont présenté et présentent toujours un très large éventail de situations, notamment dans le domaine de «l’appui social».

Certaines étaient excessivement isolées tandis que d’autres solidement ancrées dans le mouvement de classe au moment où elles furent confrontées à des revers.

D’autres encore alliaient un isolement social structurel, organique, à une large popularité. Bref, des réalités bien distinctes et encore plus différenciées du fait que toutes les organisations ne posent pas de la même manière la question de leur assise sociale.

Nous pensons utile d’insister sur l’idée qu’il ne faut pas envisager l’appui social aux forces révolutionnaires en terme absolu et quantitatif.

Si la solution tenait entièrement dans «l’appui social» et qu’il suffisait de se l’assurer pour éviter les revers, les révolutionnaires n’auraient qu’à sombrer dans l’opportunisme, la démagogie et le révisionnisme pour recueillir à court terme une clientèle politique.

Seulement, nous le savons, la tentation populiste, opportuniste, implique l’abandon des positions, perspectives et pratiques révolutionnaires, Il ne s’agit donc pas de gagner un «appui social» en général mais bien un certain appui social, précisément défini, établi sur des bases politiques rigoureuses et répondant exactement, concrètement, au besoin du processus révolutionnaire.

Pour un combat révolutionnaire l’appui social est quelque chose à construire, étendre, gérer.

C’est une question essentielle dans la mesure où Lénine a démontré que l’option putschiste, «blanquiste», de la lutte révolutionnaire est vouée à l’échec.

Mais c’est aussi une question qui revêt des formes très précises et dont les termes changent constamment en fonction du cadre dans lequel oeuvre la force révolutionnaire, ou encore de l’importance de celle-ci.

La question de l’appui social (quel appui gagner et comment?) varie quasi du tout au tout selon le stade atteint dans le processus révolutionnaire.

Ainsi notre organisation, de par sa modeste taille et notamment la ténuité de son lien organique au prolétariat mais aussi du fait de l’actuelle faiblesse de la conscience et de la mobilisation de classe dans notre pays, ne pouvait espérer développer utilement un travail de masse large et indifférencié.

Il était bien plus juste et efficace pour elle d’impulser un travail politique en direction des secteurs les plus avancés du prolétariat et particulièrement de la classe ouvrière et de ses avant-gardes (en direction des éléments et secteurs aguerris dans les luttes économiques, ayant fait l’expérience des limites du trade-unionisme et de la social-démocratie, poussés à développer une claire conscience de classe, etc).

C'est seulement à travers le ralliement et la mobilisation de ces avant-gardes ouvrières qu’une force révolutionnaire pourra gagner progressivement un véritable appui social - sur une base politiquement juste - dans notre pays.

Par contre, le problème se pose autrement pour des forces (telles le PCE(r) et les GRAPO., par exemple) puissantes et profondément enracinées dans les secteurs avancés de la classe. Dans ce cas la question d’un large travail de masse est à l’ordre du jour, la question d’un travail ayant pour objectif direct le progrès général de la conscience de classe, l’implantation de cellules du Parti dans toutes les usines, etc.

En résumé, nous dirons qu’on ne peut envisager la question de «l’appui social» de façon correcte qu’en gardant à l’esprit que les forces révolutionnaires portent une responsabilité et ont un rôle d’avant-garde à remplir.

Responsabilité et rôle qui impliquent un certain décalage entre elles et les masses (un décalage animé par différentes relations dialectiques, politiques et idéologiques).

Sans oublier que le stade atteint dans le processus révolutionnaire fixe le contenu de l’appui social accessible et nécessaire aux forces révolutionnaires (cela va du soutien prudent des avant-gardes ouvrières à l’organisation frappant les premiers coups dans la reprise de l’initiative révolutionnaire, au soutien inconditionnel de larges masses aux forces révolutionnaires la veille de l’insurrection).