Cellules Communistes
Combattantes
La
flèche et la cible
39. Quelle
est votre conception des rapports devant exister entre la lutte
armée développée par lavant-garde
révolutionnaire et les luttes économiques et sociales
du prolétariat?
Celle-là
doit-elle sengager directement aux côtés de
celles-ci? Dans laffirmative, quels sont selon vous les
modalités et problèmes propres à tel engagement?
Cest une question
qui mérite dêtre traitée avec la plus
grande attention.
La place et la fonction
attribuées à la lutte armée par le mouvement
révolutionnaire européen depuis sa renaissance
au début des années 70 sont neuves et particulières.
Pour la première
fois la lutte armée est considérée comme
méthode de lutte principale hors de la situation insurrectionnelle
ou directement pré-insurrectionnelle et de ce fait pour
la première fois elle se voit attribuer une raison essentiellement
politique.
Au premier stade
du processus révolutionnaire la lutte armée ne
poursuit pas dobjectifs spécifiquement militaires
et elle na de valeur que dans la mesure où elle
entraîne, directement ou indirectement, le ralliement déléments
avancés du prolétariat à lavant-garde
révolutionnaire organisée et une large popularisation
des buts et thèses révolutionnaires parmi les masses.
Cest là
une conception qui semble globalement partagée par les
diverses forces révolutionnaires en Europe de lOuest,
quoique certains camarades soient encore plus ou moins attachés
au concept de lutte «derrière les lignes de limpérialisme»
dans le cadre de la transposition à léchelle
mondiale du principe de «lencerclement des villes
par les campagnes, cest-à-dire lencerclement
des métropoles impérialistes par une ligne de front
mobilisant les masses exploitées et opprimées du
tiers-monde.
En tout cas lunanimité
est faite autour de cette conception dans le courant marxiste-léniniste
du mouvement révolutionnaire.
Mais il apparaît
que les pratiques des uns et des autres diffèrent grandement.
Certains orientent
leur action selon lidée que linitiative politico-militaire
de lavant-garde doit être exclusivement portée
- pour reprendre lexpression consacrée - «au
coeur de lÉtat, très précisément
contre les personnalités les plus importantes, représentatives
et influentes du grand capital, de lÉtat, du complexe
militaro-industriel, etc.
Dautres ordonnent
leur pratique combattante en fonction des luttes économiques
partielles du prolétariat (attaques contre les patrons
et les cadres, destruction des locaux administratifs, destruction
des stocks sur lesquels comptent les capitalistes pour faire
face à une grève, interruption de lapprovisionnement
en énergie ou matières premières, etc).
Dautres encore allient à des degrés divers
ces points de vue, etc.
Il est donc grand
temps de pousser la réflexion sur cette question.
Nous avons dailleurs
accueilli avec beaucoup dintérêt des contributions
du mouvement révolutionnaire italien à ce sujet
(principalement les documents de la Cellule pour la constitution
du Parti Communiste Combattant affinant la définition
de lattaque «au cur de lÉtat»).
La politique suivie
jusquà présent par le Mouvement Communiste
International a toujours consisté à soutenir directement,
ouvertement et concrètement les luttes économiques
du prolétariat, en veillant à établir une
relation dialectique entre les objectifs à court terme
(amener les travailleurs en lutte à gagner la satisfaction
de leurs revendications) et les objectifs à long terme
(faire de la lutte partielle une fonction de la lutte globale
entre prolétariat et bourgeoisie, étendre la conscience
de classe, enraciner plus profondément le Parti, etc).
Cette politique
doit rester un des piliers de la lutte révolutionnaire
car elle seule permet létablissement et le développement
dun authentique lien organique aux masses.
La seule «attaque
au cur de lÉtat» permet certes doccuper
une place davant-garde, de faire progresser la conscience
révolutionnaire déléments déjà
avancés du prolétariat, etc., mais elle rend platonique
la relation de lavant-garde et de la classe.
Elle est même
souvent inaccessible aux secteurs les moins éclairés
du prolétariat.
La lutte armée,
dès la première phase de propagande armée,
doit donc à notre avis combiner des actions globalisantes
traduisant la finalité révolutionnaire jusquau
«cur de lÉtat et des actions liées
aux luttes prolétariennes, même parfois locales
ou partielles - mais toujours exemplaires.
Malgré le
déchirement des illusions réformistes, social-démocrates
et consensuelles, la grande majorité des travailleurs
en Europe restent actuellement étrangers à la lutte
révolutionnaire: elle est jugée tantôt inappropriée
ou impraticable, tantôt porteuse damères désillusions
à la mesure des déboires de lexpérience
soviétique.
Si dans la plupart
des cas les luttes partielles, économiques, ne prétendent
plus aujourdhui à un projet politique réformiste
et social-démocrate, elles conservent une nature objectivement
réformiste dans la mesure ou elles visent chacune un changement
particulier sans remettre en cause le cadre général
du mode de production.
Il faut donc se
garder de loptimisme pernicieux qui pousse à voir
dans chaque lutte ouvrière, dans chaque grève,
lexpression dune conscience de classe en cheminement,
toujours plus nette, toujours plus offensive, car ces conflits
peuvent tout aussi bien être strictement bornés
par lhorizon étroit du corporatisme (cest
même leur tendance spontanée).
Dune façon
générale, les luttes économiques du prolétariat
constituent des moments privilégiés, des espaces
idéologiquement favorables pour une prise de conscience
de classe: quand on est en lutte contre son patron, on est dans
la meilleure position pour percevoir et comprendre la contradiction
opposant lensemble des travailleurs à lensemble
des patrons (et leur État).
Le travail de lavant-garde
doit alors viser à ce que cette prise de conscience ait
lieu et quelle se réalise politiquement dans ladhésion
au socialisme scientifique et aux forces révolutionnaires
qui lappliquent.
Pour ce faire, ce
travail doit être lié à chaque manifestation
de lutte et au degré de conscience de classe quelle
recèle.
Lintervention
politico-militaire ne peut être disproportionnée
(par rapport au conflit et à la conscience de classe quil
exprime) car dans ce cas elle serait tout bonnement contre-productive:
elle provoquerait non un rapprochement du secteur prolétarien
visé mais son éloignement des forces et de la lutte
révolution­naires.
Une analyse soignée
et détaillée de chaque situation simpose
donc au préalable et linitiative politico-militaire
doit être précédée, accompagnée
et suivie dun intense travail dagit-prop classique
lui permettant dêtre correctement appréhendée
par les travailleurs en lutte.
La présence
de sympathisants ou de militants à lintérieur
de lentreprise est alors extrêmement précieuse.
Lessentiel
réside dans la liaison entre la lutte partielle et la
lutte des classes en général, cest-à-dire
dans le dépassement de la lutte partielle tout en intervenant
dans son cadre.
Des campagnes politico-militaires
associant des actions de propagande armée contre des objectifs
centraux et dautres plus partiels répondent à
cette exigence.
Cet axe de la lutte
révolutionnaire est donc de première importance
mais aussi dune grande exigence.
Il suppose une série
de conditions qui ne sont pas toujours à la portée
des avant-gardes révolutionnaires lors des premières
étapes de développement (nous pensons que cela
relève plutôt détapes plus avancées
du processus révolutionnaire, quand il existe un Parti
Combattant fortement implanté dans les secteurs combatifs).
Ces avant-gardes
doivent alors assumer des initiatives globalisantes, rendre tant
que faire se peut leurs interventions directement assimilables
par les prolétaires combatifs, et concevoir notamment
leur propre développement dans lobjectif de maîtriser
au plus tôt et au mieux laxe en question.
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