(avril 2003)
(Les camarades travaillant à la fondation du (Nouveau)Parti communiste italien ont rendu public en novembre 2002 un texte intitulé "Que les communistes des pays impérialistes unissent leurs forces pour assurer la renaissance du mouvement communiste!".
Le PC(MLM) a rendu public en février 2003 un texte analysant ces positions.
Ce texte écrit par un camarade français fait suite au texte du PC(MLM).
Le PC(MLM) y répond dans un autre texte]
Cher(e)s ami(e)s,
Je voudrais revenir sur votre réponse à la publication au début de cette année du texte de la Commission Préparatoire (CP) du congrès de fondation du (nouveau) PC d'Italie : " Que les communistes des pays impérialistes unissent leurs forces pour assurer la renaissance du mouvement communistes" (disponible sur votre site).
Je ne parle pas au nom de la CP même si je veux montrer ce que son analyse apporte de cohérence et de nouveau pour le travail communiste et le MCI.
Sur les Forces Subjectives de la
Révolution Socialiste (FSRS)Vous critiquez la catégorie de FSRS qui " n'est pas pour nous pas un critère ".
Qu'il n'y ait pas d'ambiguïté. Le concept de FSRS (ou comme on va le voir plus tard celui de FAUS) n'est pas une invention des camarades italiens !
Cette catégorie (FSRS) est empruntée au texte de Mao " Une étincelle peut mettre le feu dans toute la plaine " (janvier 1930, uvres choisies tome 1).
Par " forces subjectives de la révolution ", le camarade Mao Tsé-toung entend ici les forces organisées de la révolution " est-il précisé en note du texte de Mao.
Cette catégorie sert ainsi à faire une distinction ( mais marquer aussi leur lien) entre la condition objective de classe et l'organisation politique, et avec les lois selon lesquelles la première se transforme en la seconde.
Les FSRS sont donc la partie politique et organisée des masses qui veut assumer le caractère toujours plus collectif des forces productives existantes en contradiction avec le caractère privée des relations de productions capitalistes (qu'ici les FSRS s'appellent ou non elles-mêmes communistes, social-démocrates, que sais-je encore , et que leur nom correspondent à leur activité pratique ou non !).
On peut penser ce qu'on veut de cette catégorie de FSRS mais elle a le mérite de délimiter un domaine d'analyse et d'enquête pour les communistes dans le champ politique, cohérent avec la science marxiste, détaché de toute confusion et d'éclectisme sur l'aptitude à savoir " quels sont nos amis " et " quels sont nos ennemis ", et échappant à l'opinion commune qui oscille entre " Ca va très bien " ou " Ca va très mal ".
J'en profite pour rappeler la ligne générale (ligne de masses) des camarades italiens : " S'unir étroitement et sans réserves à la résistance que les masses opposent et opposeront à l'avancée de la crise générale du capitalisme, comprendre et appliquer les lois selon lesquelles cette résistance se développe, l'appuyer, la promouvoir, l'organiser et faire prévaloir en son sein la direction de la classe ouvrière, jusqu'à la transformer en lutte pour le socialisme, en adoptant, comme méthode principale de travail et de direction, la ligne de masse. "
Sur les Forces Antithétiques de l'Unité Sociale (FAUS)
Étoile Rouge n'aborde pas ce qu'elle pense de l'emploi juste ou non de cette catégorie par les camarades italiens.
Dommage car ceux qui ne comprennent pas, ni n'acceptent pas cette catégorie marxiste (FAUS) oscillent entre une analyse soit qui nie la différence qualitative qui existe sur le terrain économique entre l'époque pré-impérialiste et l'époque impérialiste (" rien n'a changé "), soit qui adopte une conception de l'impérialisme du point de vue économique comme quelque chose de complètement différent du capitalisme (" tout à changé ").
Les camarades italiens n'ont pas inventé là non plus cette catégorie: ils l'ont trouvé principalement dans les chapitres sur l'argent des Esquisses (connu plus communément sous le nom de Grundisse -1856-57) de critique de l'économie politique de Marx.
Il est nécessaire de faire une citation un peu longue pour montrer ce que veut dire Marx (j'ai mis en italiques certains mots pour faire ressortir la logique du texte):
" La division du travail engendre [à la fois] la concentration, la combinaison, la coopération, l'antagonisme des intérêts privés, les intérêts de classe, la concurrence, la centralisation du capital, les monopoles et les sociétés par actions, autant de formes contradictoires de l'unité que suscitent toutes ces contradictions.
Ainsi, l'échange privé produit le commerce mondial, l'indépendance privée crée une dépendance complète à l'égard du prétendu marché mondial, les actes morcelés de l'échange nécessitent un système de banque et de crédit dont la comptabilité dresse le bilan des échanges privés et établit des compensations entre eux.
De même, le commerce national acquiert un semblant d'existence dans le cours des changes, car l'intérêt privé des nations est aussi divisé qu'il n'y a de nations majeures ; les intérêts des exportateurs et des importateurs d'une même nation s'opposent sur ce terrain, etc.
Personne ne croira, pour autant, qu'on puisse abolir les bases du commerce intérieur et extérieur par une réforme boursière.
Cependant, au sein de la société bourgeoise fondée sur la valeur d'échange, il se développe des rapports de distribution et de reproduction qui sont autant de mines devant la faire éclater.
Les innombrables formes contradictoires [ou antithétiques] de l'unité sociale ne sauraient être éliminées par de paisibles métamorphoses.
Au reste, toutes nos tentatives de les faire éclater seraient du donquichottisme, si nous ne trouvions pas, enfouie dans les entrailles de la société telle qu'elle est, les conditions de production matérielles et les rapports de distribution de la société sans classes.
----Grundisse, Chapitre sur l'argent, Tome 1, Editions 10/18, p.157-158, ou dans la Pléiade, uvres de Marx, Economie tome 2, p.212.)
J'invite aussi à lire les chapitres 13, 14 et surtout 15 du Tome III du Capital, la préface anglaise d'Engels (1886) du Livre I du Capital et son Introduction de 1895 au Tome III du Capital.
Ainsi, que sont les FAUS ?
Ce sont des institutions et des procédures avec lesquelles la bourgeoisie cherche à faire front plus ou moins spontanément au caractère collectif désormais assumé par les forces productives, restant cependant sur le terrain de la propriété et de l'initiative individuelle des capitalistes.
Banque, association de capitalistes, négociation collective des rapports de travail salarié, argent fiduciaire, politique économique de l'Etat, système de prévoyance, sont des tentatives de médiations entre le caractère collectif des forces productives et les rapports de production capitalistes qui survivent.
La culture " bourgeoise " de droite comme de gauche présente plutôt les capitalistes associés comme l'origine du mouvement économique alors que ce sont des données transitoires et passagères en contradiction permanente avec la donnée stable et générale du mode de production capitaliste : la propriété individuelle des forces productives.
Une grande partie de la confusion qui règne dans le champ théorique est la vision unilatérale de ces phénomènes de "surpassement " qui sont considérés comme détachés de la base sur laquelle ils naissent et sur laquelle ils retombent périodiquement.
Il faut bien avouer que cette catégorie marxiste (FAUS) n'a pas été développée de façon systématique dans le MCI, ce qui a entraîné un manque de méthode dialectique, un refuge dans l'idéologie (dogmatisme, idéalisme) fort préjudiciable pour la lutte, qui ne sont pas imputables à Marx et à Engels.
Ainsi, le MCI n'a tout simplement pas adhéré, bien souvent, aux lois du mouvement pratique continu qui transforme l'état actuel des choses, découvert par Marx, c'est-à-dire au communisme, un mouvement pratique exprimant le caractère toujours plus collectif des forces productives.
Avant d'être une théorie, avant d'exister dans la conscience des partisans du communisme, le communisme existe comme un mouvement pratique, processus à travers lequel les rapports sociaux de production et les autres relations sociales se transforment pour s'adapter au caractère collectif des forces productives existant déjà pendant la période capitaliste mais de façon contradictoire et négative (FAUS).
Pour Marx et Engels, le point de vue selon lequel c'est le mouvement conscient et organisé des hommes qui créé le mouvement pratique est donc un point de vue idéaliste.
Répétons-le, il existe en réalité un mouvement pratique qui transforme l'état actuel des choses dont la tâche et d'en comprendre les lois pour les diriger et alors devenir promoteur actif et conscient de leurs transformations.Le mouvement contradictoire entre forces productives et relations de production donne lieu inévitablement à des mouvements et des forces révolutionnaires qui essayent de faire correspondre les relations de productions capitalistes au caractère collectif des forces productives, c'est-à-dire aux mouvements et aux forces qui tendent vers le socialisme.
Le but des tentatives répétées des sociétés socialistes dans l'histoire est donc d'assumer ce caractère collectif des forces productives existantes. Encore faut-il ne pas confondre la défense des FAUS (Sécu, retraite, etc.), résistance défensive au développement de la crise, et la lutte pour la conquête du pouvoir
Soyons clair.
Comprendre ou ne pas comprendre la Contradiction fondamentale de la société capitaliste dont la tendance prédominante est le caractère toujours plus collectif des forces productives, ainsi que les FAUS ou l'impérialisme ("antichambre du socialisme " dit Lénine) qui sont des superstructures du capitalisme et expriment de façon contradictoire le mouvement matériel vers le communisme, c'est ce qui sépare l'idéologie de la science.
Sur la contradiction principale dans le mondeEtoile Rouge ne se positionne pas sur la principale contradiction dans le monde aujourd'hui mais sans aller jusqu'à nier la possibilité de la révolution prolétarienne en Europe (une position qu'Etoile Rouge impute au Comité du RMI et présentée comme l'exact opposé des camarades italiens sur cette question), on peut penser que la contradiction principale pour elle dans le monde contemporain est celle entre l'impérialisme et les nations opprimées.
Il est vrai que dans quelques pays semi-coloniaux (Pérou, Népal, Inde, etc.) les communistes dirigent des guerres populaires maoïstes.
Le développement de ces guerres et le ferment dans les autres pays semi-coloniaux est-il le centre dont les mouvements politiques du reste du monde dépendent ?
Pour les communistes italiens, non.
Pour eux, il est nécessaire de déclarer que la révolution de nouvelle-démocratie (la révolution dans les pays semi-féodaux et les pays dominés par l'impérialisme) a une grande responsabilité surtout depuis que le mouvement communiste a été paralysé par le révisionnisme moderne dans les pays impérialistes et dans les pays socialistes.
Mais la contradiction principale conditionne le développement de toutes les autres contradictions.
De cela nous déduisons que c'est la révolution socialiste qui détermine la révolution de nouvelle-démocratie et non vice-versa.
Les grandes contradictions de notre époque sont au nombre de trois : celle entre la classe ouvrière et la bourgeoisie impérialiste, celle entre l'impérialisme et les peuples opprimés par lui, celle entre les groupes impérialistes.
La confusion vient du fait que ces trois contradictions sont mélangées entre elles, sans qu'émerge l'une ou l'autre.
Mais le maillon de la chaîne que les communistes doivent saisir, et en le faisant permettre de déplacer la chaîne entière des évènements, c'est la renaissance du MCI et donc la reconstruction des PC.
Car dans les pays impérialistes, existe aussi une situation révolutionnaire en développement.
Voici ces caractéristiques générales : La bourgeoisie impérialiste ne peut pas davantage continuer à régner comme par le passé.
Les masses populaires ne sont pas résignées à perdre ce qu'elles ont conquis dans la période précédente (durant les 30 glorieuses).
La crise politique des pays impérialistes est une conséquence et une manifestation de la crise économique de surproduction absolue du capital. Les évènements de chaque jour montrent, pour qui a le sens et la capacité historique, les ouvertures révolutionnaires et la crise politique dans les pays impérialistes ; les autres les verront quand elles auront déjà éclaté.
Ces derniers ne voient pas l'attaque que la bourgeoisie impérialiste porte depuis 20 ans contre la classe ouvrière des pays impérialistes, afin d'éliminer les conquêtes de bien-être et de civilisation que les ouvriers ont arrachées pendant la première vague du mouvement communiste et de la révolution prolétarienne, à la fin de la deuxième guerre mondiale.
Ces gens ne voient en général même pas que la bourgeoisie impérialiste réduit même l'aristocratie du travail, confirmé par les vicissitudes de la CGT.
Sur la Classe ouvrièreIl faut brièvement aborder la catégorie de Classe ouvrière. Là encore, il y a des progrès à faire de dialectique
Aujourd'hui, qu'est ce que la classe ouvrière, qu'est ce que le prolétariat ?
Voilà une " question brûlante " auquel doivent se consacrer Etoile Rouge.
C'est le rapport social vis à vis de la production qui définit les rôles sociaux et les classes, non pas le contenu et l'activité du travail.
La division de classes n'est donc pas déterminée par la diversité des contenus du travail et ne coïncide pas avec la division en catégories professionnelles (INSEE), en métiers, ou même en travaux manuels ou non.
La classe ouvrière n'est pas déterminée par le fait d'être préposée ou non à la production de marchandises matérielles.
La marchandise est " en premier lieu un objet externe, une chose qui satisfait des besoins humains quelconques " (Capital, Livre I).
Dans le mode de production capitaliste (MPC), cela ne change rien que sa production satisfasse des besoins auto destructifs, non matériels ou alors " sains " et socialement utiles.
Il est vrai que la production industrielle est devenue historiquement, dans le MPC, la production dirigeante parce que le contenu s'adaptait le mieux aux exigences de valorisation du capital (régularité, adaptabilité aux variations, productivité ) mais de là à voir l'extinction de la classe ouvrière et du rapport capitaliste dans le développement tertiaire, il y a un pas que certains franchissent allégrement (je ne pense pas ici à Etoile Rouge).
Encore une fois, le caractère capitaliste de l'activité productive n'est pas déterminé par le secteur ou elle se trouve ni par le type d'usage auquel sert la marchandise produite, mais par le fait qu'elle valorise le capital chaque fois plus, avec tout ses effets (taylorisme, division accrue du travail, mais aussi innovation technique, quête de réduction du temps de travail pour produire une même marchandise, quitte à envoyer les travailleurs au chômage ensuite, etc.)
La classe ouvrière se distingue ainsi de la masse des travailleurs autonomes car elle se retrouve ouvertement placée comme articulation d'un organisme collectif de division du travail.
Les autres travailleurs sont de fait dans la même condition mais à travers l'échange et le marché.
Ainsi, la classe ouvrière se distingue de la masse des travailleurs parce qu'elle échange sa force de travail contre du capital (et non un revenu) tandis que les personnels publics et autres travailleurs échangent leur force de travail contre un revenu, la mesure est donc arbitraire, ne dépendant pas de lois socialement objectives et nécessaires.
Pour conclureDans le texte d'Étoile Rouge de critique du texte des italiens, datée de février 2003, vous concluez en disant : "Nous attendrons les résultats obtenus par les camarades d'Italie. Selon nous il n'y en aura pas, vu que les questions brûlantes ne sont pas posées. "
Excusez-moi ce ton polémique, mais ce n'est pas une attitude d'attente et passive qu'on attend (sic) nous même de la part d'Étoile Rouge, mais que Étoile Rouge produise une enquête et une analyse de classe réelle de la société en France (tableau d'ensemble de la bourgeoisie impérialiste, des masses populaires, du prolétariat, des classes populaires non-prolétaires), de répondre au fait de savoir si oui ou non il existe selon elle la situation révolutionnaire en développement en France, qu'elle organise la discussion autour de ce texte en peu plus amplement que de publier sur son site (" A propos de l'unité du MCI ") un texte de 4 pages sur le document des camarades italiens, etc.
Cela me rappelle étrangement une précédente déclaration lorsque la revue Front Social s'était auto-dissout en 2001 en appelant à la " responsabilité de chacun " pour " plonger au cur des masses populaires " sans elle!
Le responsable à l'époque de cette auto-dissolution: " Un rapport des Renseignements Généraux ( ) qui ne permet plus l'existence de la revue et du groupe ".
Un sympathisant.
Avril 2003
Note : pour s'informer plus largement, vous trouverez le projet de manifeste-programme du (nouveau) parti communiste italien, octobre 1998, en français à l'adresse web : http://perso.magic.fr/nac/webnac4/archives.html. D'autres documents traduits en français (par exemple sur la construction du PC dans l'histoire de l'Europe) sont disponibles sur le site de La Voce : www.lavoce.freehomepage.com.